Le parcours de Bertrand Grébaut est impressionnant. Après une école d’art graphique, il a choisi d’étudier la cuisine. Il est passé ensuite chez de grands chefs (deux ans chez Alain Passard, où de stagiaire il finit premier chef de partie) et très précocement a montré sa personnalité hors normes. En 2008, il fait l’ouverture de l’Agapé et obtient une étoile Michelin. En 2009, il choisit de voyager et avec Théo Thourriat avec lequel il pense leur restaurant. Septime, ouvre en mai 2011. Un bistrot simple et lumineux, rue de la Roquette à Paris. Aujourd’hui Grébaut a juste trente ans, il y est totalement lui-même, devenu sans doute le jeune chef français le plus remarqué et Septime, un concept nouveau de restaurant gastronomique et abordable, est l'un des plus remarqués par les amateurs et les critiques français comme étrangers.
« […] quelle assiette ! Des produits d'une fraîcheur effervescente, préparés avec un respect de leur intégrité qui frise l'absolutisme »
« Il y a dans les préparations de Bertrand Grébaut une bonté et une générosité qui émeuvent. Une forme de douceur qui caresse l'âme autant que le palais et qui ne peut laisser insensible. »
On retrouve ainsi dans son assiette cet eliptisme rayonnant. Ce chant doux et court ». François Simon
After going to school for graphic arts, Bertrand Grébaut chose to study cooking. He then spent time working for renowned chefs. In just two years, he worked his way up from intern-trainee to Chef de partie at Alain Passard’s three-starred Michelin restaurant L’Arpège. By 2008, he received his first Michelin star, as chef at L’Agapé. Finally, in May 2011, he opened Septime, his own restaurant in Paris. Today, Grébaut is just thirty years old, completely himself, and has become arguably the most remarkable young chef in France. And with Septime, he has created a totally new type of gastronomic restaurant, one of the most visited by both the French and foreigners.
Un grand de demain
M le magazine du Monde | | JP Géné
Bertrand Grébaut est certain que la directrice du Michelin, Juliane Caspar, est venue dîner à Septime. Ce soir-là, un de ses invités a malheureusement cru que la table était réservée à son nom, avant de se reprendre devant le personnel qui a immédiatement percuté et transmis en cuisine. "On avait la tête dans les épaules", se souvient Bertrand avec le sourire. La patronne du Michelin n'a soufflé mot. On peut penser qu'elle s'est régalée car l'édition 2014 du "guide rouge" accorde sa première étoile à Septime qui, l'an passé, n'avait droit qu'à une fourchette. "J'avais oublié combien le Michelin est important en France", constate le promu, qui garde précieusement les félicitations adressées par Paul Bocuse.
Que le Michelin reconnaisse ainsi Septime, classé 49e sur la liste des 50 meilleurs restaurants du monde, n'est pas innocent. Si l'on excepte Yam'Tcha, déjà étoilé, où la cuisine d'Adeline Grattard est vraiment particulière, c'est le premier macaron attribué à cette jeune vague créative de la bistronomie parisienne. Pourquoi à lui plutôt qu'au Chateaubriand, à Saturne ou Frenchie pour ne citer que les plus sérieux prétendants ? C'est la loi du guide, sûrement sensible à une certaine assiduité du chef au piano.
Il récompense avant tout un garçon qui, sous ses airs d'ex-adolescent qu'une barbe clairsemée ne parvient pas à vieillir, affiche une détermination sans faille pour satisfaire ses envies. Il est trop jeune pour avoir lu sur les murs "Prenez vos désirs pour des réalités" mais, à 14 ans, il n'a pas eu besoin qu'on lui en explique le sens. Infernal en classe, il voulait taguer et il a tagué partout, de Paris à New York et Amsterdam. Quand c'est devenu légal, qu'on a attribué des espaces réservés aux tags, il a abandonné. "C'était devenu un métier."
Le bac en poche ("je ne sais comment je l'ai eu"), Bertrand Grébaut se tourne un moment vers le graphisme mais l'univers professionnel ne lui convient guère. Son pote coloc a déjà un pied en cuisine, il va s'inscrire à Ferrandi, "l'ENA de la gastronomie", et soudain l'école lui plaît : il sort major de sa promo avec des idées d'étoiles dans la tête. Il les fréquente rapidement lors de ses passages chez Robuchon, et surtout chez Alain Passard. Bertrand Grébaut obtiendra d'ailleurs un macaron à 26 ans avec Laurent Lapaire à l'Agapé. Il a bien sûr envie de créer son propre restaurant mais, avant, il s'offre une année sabbatique à caractère gastronomique en voyageant en Asie avec sa compagne Tatiana sur les traces des saveurs et des techniques d'Orient. Ils raconteront leur périple en direct sur leur blog.
SOUCI DU VÉGÉTAL
Il ouvre Septime en 2009 avec son partenaire Théo Pourriat (en salle et à la sommellerie). Comptoir à l'entrée, tables de bois brut récupéré sur d'anciens wagons, lampes tempête, cuisine ouverte sur une salle couleur cendre, le succès est immédiat avec une carte courte, une formule à 26 € le midi (aujourd'hui à 28 €) et un menu en 5 étapes à 55 € dont le tarif n'a pas (encore ?) changé avec l'arrivée de l'étoile. Depuis, il faut compter trois semaines pour y dîner.
C'est une cuisine qui appartient à la famille Passard-Barbot (L'Astrance), avec ce souci permanent du végétal, dans des plats toujours jolis et à l'assaisonnement millimétré. Ni abondance de fleurs, ni inflation d'herbes ou autres gimmicks poudrés dans des assiettes où chaque élément a sa raison d'être. Ainsi ces cubes d'espadon et de navet nouveau incroyablement juteux, jus d'asperges vertes et fanes de navets, copeaux de cédrat pour un assemblage à l'ambiance ceviche ; velouté d'asperges blanches, sabayon de cresson, croûtons et anguille fumée comme des petits lardons pour une symphonie en vert et blanc ; saint-pierre filet, peau croustillante, bâton de seiche cuit entre deux plaques, coulis d'ortie et d'ail des ours, jus de coquillages, une leçon de cuisson ; bœuf de Galice maturé trois mois, carottes nouvelles, beurre noisette, estragon pour un boeuf carottes revisité ; orange caramélisée, sablé breton, crème glacée à l'avoine parce qu'il faut bien finir avec le bec sucré.
Cette cuisine contemporaine, qui incarne parfaitement la modernité, apparaît d'une extrême simplicité dans l'assiette mais elle nécessite des heures de travail en brigade, où l'on se bouscule pour participer à la naissance d'un grand de demain : Bertrand Grébaut.
JP Géné
Le carnet d'adresses
Septime 80, rue de Charonne, Paris 11e.Tél. : 01-43-67-38-29. Fermé samedi midi, dimanche et lundi.
La cuisine de Bertrand Grébaut, Septime, Editions Argol, 2013. 208 p., 29,90 €.
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l'Express style
Michelin s’achète son brevet de coolitude
Grande nouveauté 2014 : à l’heure où on lui reproche d’avancer dans son époque avec un déambulateur, le vieillissant Bibendum parvient encore à foncer là où l’on ne l’attend plus vraiment. ChezSeptime, à Paris, en l’occurrence. La table-phénomène de Bertrand Grébaut (cuisine) et Théo Pourriat (cave) décroche son premier macaron à la surprise de son chef, qui ne l’attendait plus vraiment, et qui ne se privait pas de contester ouvertement l’influence et la légitimité du guide français. Il faut dire que quelques papiers influents et une 49e place au World’s 50 Best Restaurants ont suffi à noircir plusieurs semaines à l’avance le carnet de réservation de cette table branchée, sans nappe et avec menu carte blanche. Heureux, Grébaut ? Au fond de lui, sûrement, mais on ne peut pas vraiment dire qu’il ait tout fait pour renouer avec l’étoile qu’il avait déjà obtenue lors de son aventure précédente chez Agapé avec Laurent Lapaire. En clair, ce n’est pas Septime qui est allé vers le Michelin mais bien l’inverse… Doit-on se réjouir de cette décision ? Oui, à deux sérieux bémols près… 1) Bibendum se réveille un peu tard. Lui qui a si souvent, historiquement, joué les découvreurs de terra incognita, a mis cette fois du temps à dégainer sa longue vue… 2) Septime, très bien. Et pourquoi pas, par exemple, le Chateaubriand d’Inaki Aizpitarte, autre sérieux pourvoyeur d’émotions fortes ? J’ai ma petite idée : Bertrand Grébaut, enfant de la grande Cuisine (Alain Passard, notamment), intellectuellement respectueux de l’héritage gastronomique français, est plus « rassurant » pour le Michelin… François-Regis Gaudry
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LES INROCKS
Bertrand Grébaut : “La cuisine à la télé française est cheap”
23/02/2014 | 10h00
Bertrand Grébaut (photo Yann Rabanier)
Chef du restaurant Septime qui vient de décrocher une étoile au Michelin, Bertrand Grébaut est à 32 ans l’un des cuisiniers les plus doués de sa génération. Il évoque le graff, Instagram et le guide Michelin.
Quand tu ouvres Septime en 2011, le succès est immédiat. Depuis, Septime est entré en 2013 dans le classement des 50 meilleurs restaurants du monde de la revue britannique Restaurant. Comment un chef vit une notoriété si fulgurante ?
Bertrand Grébaut - Les grands chefs de palace ou ceux qui passent à la télé ne sont plus les uniques protagonistes de la bouffe. Les chefs plus alternatifs de l’Est parisien, comme Inaki Aizpitarte (Le Chateaubriand) et dont je fais partie, sont aujourd’hui plus connus à l’étranger que Jean-François Piège (la brasserie, le restaurant et la pâtisserie Thoumieux, Top Chef) ou Yannick Alléno (ex-chef du Meurice, trois étoiles au guide Michelin). Cette renommée complique parfois le travail. Je passe mes journées à faire de la relation-presse ou de la gestion. En dehors des heures de cuisine, je ne fais plus de cuisine. Et même au service, je n’en fais plus. Je mets des idées sur papier, je discute avec ma seconde. Elle fait les essais, me fait goûter et je valide. Plein de chefs s’en cachent. Plus on s’agrandit, plus on a de succès, moins on est cuisinier dans sa cuisine.
Est-ce qu’on t’a déjà contacté pour participer à une émission ?
Oui. Mais refus catégorique. Ce serait passer du côté obscur. La manière de présenter la cuisine à la télé française est cheap. Hier soir, j’étais un peu malade, j’ai regardé Top Chef sur le net. On le regarde comme on regardait le premier Loft Story. Dans les pays anglo-saxons, les émissions sont plus dynamiques et spontanées. Le show de Jamie Oliver est plus moderne. Il fait des recettes intelligentes. Il y a aussi Eddie Huang sur Vice, Anthony Bourdain sur Travel Channel ou Cauchemar en cuisine de Gordon Ramsay. Le mec est fou, tu as envie de regarder.
Avant de découvrir la cuisine, tu passais ton temps à faire des graffitis. Peux-tu nous raconter ?
Je n’étais pas un rigolo. J’ai pris des amendes, des perquisitions. La moitié de mon crew a été en prison. On était dans un délire tellement puriste qu’on considérait qu’il n’y avait qu’une manière valable de faire du graffiti : dans le métro, parce ça avait démarré comme ça à New York. Les mecs qui dessinent des jolis persos sur les murs des terrains vagues n’existaient pas pour nous. On faisait que du super-vandale, du vrai graffiti, sur les rames des métros de Lyon, Amsterdam, New York, Paris.
Tu prenais des risques ?
Tu peux finir en prison dans des pays où c’est pas la joie. C’est aussi hyper dangereux et ça peut coûter cher. Je suis né à Paris dans le Ve. J’étais un gamin de bonne famille, je ne vendais pas de drogue. Si je me faisais attraper, je pouvais me défendre alors que d’autres étaient pris pour des cas sociaux. On a démarré pendant les grèves de décembre 1995. J’avais 14 ans et tous les métros et RER étaient en arrêt. De 1999 à 2003, j’ai fait du graff de manière intensive. Je ne faisais que ça. J’ai arrêté quand j’ai commencé la cuisine. Ça m’a occupé.
Que penses-tu du travail de Banksy et du street art aujourd’hui ?
Dès lors que le street art devient légal, il perd tout son sens. Les trois-quarts des graffeurs qui ont fini sur des toiles dans des expos sont un peu des imposteurs. Mais je ne mettrais pas Banksy dans ce lot. Il n’a jamais vraiment été actif dans le graffiti, il a toujours été un artiste à part entière, je respecte.
Le graff apparaît parallèlement à l’explosion du rap et du hip-hop…
On était une génération pétard. On fumait des spliffs, on écoutait du rap. Ça allait avec. En danse hip-hop, les Français étaient champions du monde. C’est l’époque de Kourtrajmé… A notre époque, les drogues chimiques étaient moins à la mode. On les a découvertes plus tard, ce qui n’est pas vraiment mieux.
Aujourd’hui, tu écoutes toujours ce genre de musique ?
Oui. Il m’arrive d’aimer le mauvais rap actuel comme Asap Rocky ou Kendrick Lamar. Mais depuis trois ans, je n’écoute plus grand chose. Je ne mets pas de son chez moi car j’ai besoin de calme après tout le bruit au resto. J’écoute de la musique seulement au travail ou en club.
Et Booba ?
Je dois avouer que je suis absolument fan de Booba. J’ai écouté Lunatic dès sa création en 1996. Je l’ai écouté avec les Sages Po (Les Sages Poètes De La Rue – ndlr). J’écoutais ses freestyles sur Génération 96. J’ai été déprimé quand il est allé en prison car il devait sortir son album. J’ai entendu sur Skyrock le premier freestyle qu’il a fait en sortant. J’ai tout écouté. Dans le rap français, personne n’écrit comme lui. J’aime encore aujourd’hui. Ça me fait marrer.
Est-ce que le graffiti ou l’art en général influence ta cuisine ?
Je suis contre le parallèle entre l’art et la cuisine. La cuisine n’est pas de l’art. Les chefs qui se prennent pour des artistes, ça n’a pas beaucoup de fond. Je revendique un travail instinctif, spontané, un travail d’artisan.
Prends-tu des photos de plats avec Instagram ?
Je suis passé à côté de Facebook. Instagram, c’est drôle, mais je n’ai pas envie de tomber là-dedans. Par contre, je suis l’actu du resto sur Twitter. En général, je ne vois que des tweets sympas. Au pire, ils s’attendaient à mieux parce qu’ils ont beaucoup entendu parler du resto. Quand les gens réservent trois semaines à l’avance et qu’ils tombent un soir où le menu n’est pas aussi cool que je le voudrais, il peut y avoir une déception. Je revendique pourtant que Septime est un lieu simple, sauf qu’on a trois semaines d’attente.
On a toujours décrit le monde de la cuisine comme dictatorial…
J’ai été comme ça à l’Agapé. Quand j’ai ouvert Septime, j’étais super hardcore parce que j’étais stressé.
J’ai vu défiler trente cuisiniers en huit mois. Je me suis calmé. Je tiens à ce que tout le monde mange à heure fixe, assis, c’est le break d’une journée de 14 heures. Il y a une rotation pour les jours de congés, les salariés sont payés correctement, partagent les pourboires à égalité du plongeur au second… C’est un resto de gauche. Tu ne passes pas forcément à droite quand tu as vingt-cinq employés.
Ça t’intéresse les étoiles Michelin ?
Je l’ai déjà eu, l’étoile. A l’Agapé, en 2009, j’ai été le plus jeune chef étoilé. Je m’intéresse au palmarès, mais j’ai fait des restos étoilés à New York, à Tokyo ou Hong Kong qui n’étaient pas dans les standards. En France, le Michelin a un côté tradi. Les chefs trois étoiles n’ont pas envie de le voir se démocratiser.
Les nouveaux restos branchés, les bistrots ne sont eux-mêmes pas exempts d’un certain conformisme…
J’essaie de sortir de certains tics ou mimétismes qui touchent les jeunes cuisiniers. Je pense aux trucs desséchés, réduits en poudre, jetés dans les assiettes, ou aux herbes sauvages à outrance. J’en ai abusé aussi et parfois c’est vraiment pas bon. Je pense aussi au tartare de veau avec des huîtres que j’ai fait longtemps à l’Agapé, aux chapelures de pain, au fumé, aux accords terre-mer ou aux oeufs basse température. Pour être précurseur, il faut se renouveler. Je reviens à des références super classiques. Dans trois mois, on va faire une cuisine avec des vraies sauces à l’ancienne. Dans six mois, il y en aura partout.
Cela faisait longtemps, très longtemps. Trop… C’est qu’il devient difficile d’y avoir une table. Très vite, Septime est devenu un incontournable parisien de par un rapport qualité/prix inégalable, mais surtout grâce une qualité rare, installée dans un style épuré et une redoutable apparente simplicité. Depuis, Septime s’est vu propulser à la 49ème place de la liste anglaise, alors, disons qu’il faut anticiper quelques semaines à l’avance avant de pouvoir remettre sa « gourmettise » aux bonnes volontés de Bertrand. Mais l’effort d’anticipation en vaut la chandelle.
Septime. Par Bertrand Grébaut et Théo Pourriat. Un lieu à la coolattitude qui repose. Tables lourdes en bois massif. Pas peur de salir. Ambiance bistrot au niveau sonore non « étoilable ». Pas peur d’éclater de rire. Service adorable qui ne demande qu’à rendre heureux. Pas peur d’avoir envie de revenir. Surtout pas peur de s’y sentir bien et d’y prélasser ses papilles dans la douceur d’un style culinaire parfois perturbant, mais toujours séduisant.
Dans l’assiette, c’est le produit qui prime. Le sel et le poivre y sont minimalistes et laissent la place à un assaisonnement par des herbes ou des graines à plus grande valeur ajoutée. Des combinaisons sans alambiquage superflu. Des dressages jolis et légers comme des dessins au crayon à la Saint-Ex´. Bref, on aime et on recommande chaudement… Mais est-ce utile…
Bonite, cerise, amande, basilic, roche Un petit bol.
Une dizaine de pièces dans un puzzle facile à assembler et à aimer.
Veau bbq, shiitake en pickle, sarrasin croustillant, gelée champignon, oseille. Sylvestre. Forestier. Toujours en légèreté
Velouté de laitue, œufs de truite, feta surgelée râpée, miel du Péloponnèse
Grand.
Oignon de Trebons, oignon nouveau, oignon pickles, cebette, faisselle, colonata, tagete.
Superbe arc-en-ciel de goût autour d’une seule couleur, l’oignon
Cœur de volaille, bouillon d’anguille fumée, navet… Sake en duo.
Un petit plus. Cadeau du Chef. Une petite impro sortie là, comme de nulle part. Mais elle ne sort pas de nulle part. Elle sort de l’esprit malin de Bertrand qui sait. Il sait.
Brocoli rôti, civelles et jus.
Comme au plat précédent. Trilogie simplissime. Et sublime.
Turbot du Finistère, pomme de terre fumée, huitre, concombre et salicorne.
Là, uniquement les pommes de terre suffisent… Alors les pommes de terre et ce qui les accompagne,… paradis.
Canette, petits pois, carotte, rhubarbe
Et nombreuses autres petites notes. Palette de saveurs et de couleurs.
Glace sureau.
Muesli au miel de forêt.
That’s it.
Fraise, glace oseille, écume concombre, éclats d’olives et meringue poivre.
La voilà. Elle est là en chapitre de clôture, la composition qui désarçonne.
En dehors de la fraise, uniquement des éléments qui nous connectent au monde salé. Mais c’est bien le dernier mets du repas. C’est bien le dessert. Et la première cuillère suffira à nous convaincre que c’est un superbe bouquet final.
Et en passant par là, pensez à faire l’acquisition du livre de Bertrand ! Non, point un livre de recettes. Mais plutôt une porte ouverte sur le comment et son pourquoi. Sans oublier avec qui… « Le nerf de la guerre, dans un restaurant, c’est l’humain ». Said.
La Cuisine de Bertrand Grébaut se dévore toute entière. On l’a écrit dès notre première visite il y a presque deux ans. Depuis, on n’a cessé de vouloir y retourner, retrouver cette fausse simplicité, cette fraîcheur de tous les instants, cette dévotion aux produits jamais mièvre, toujours juste. Chez Septime, on a aimé tout de suite cette cohérence inouïe entre un restaurant et une cuisine, un vin et un plat , un service affable et un client impliqué.
Nous n’avions jamais cherché à décrypter plus avant cette harmonie palpable, jusqu’à la sortie de cet ouvrage brillant, « La cuisine de Bertrand Grébaut-Septime », porté par Catherine Flohic.
Ce livre a toute sa place dans les mains des initiés comme des novices. Il interroge Bertrand Grébaut jusqu’au plus profond de lui même, quitte à ce qu’il en oublie qu’il est un cuisiner dans la cour des cuisiniers et « que tout ne se dit pas dans ce monde là », dit-il avec malice. Nous lecteurs, on plonge. On découvre dès lors le prélude de Septime, les enjeux économiques, les coups de cœur amicaux, l’humain, la brigade, les règles, les tentations, les intentions, les prises de positions, la création, l’homme, ses doutes, ses déboires, ses espoirs, sans filtre, sans pansement, pour de vrai.
On pourrait souligner chaque parole de Bertrand Grébaut, de Théo Pourriat. Des questions, des réponses en rafale. Une conviction et une honnêteté déconcertantes.
Réaliser ce livre a pris plus d’un an, il fallait bien ça pour respecter le temps des saisons, la maturation d’une équipe qui se trouve jour après jour, dans son combat de tous les instants, celui du restaurant.
On s’immerge dans les introspections de Bertrand Grébaut au point de ne plus vouloir les quitter. Il est pourtant moins question d’intimité que d’universalité. C’est là toute la force de ce livre jusqu’au-boutiste et travailleur, celle d’éclairer notre regard sur la cuisine aujourd’hui.
« J’espère que sans le chercher, en étant libres et en restant nous-mêmes, nous avons un peu fait bouger les codes d’une certaine gastronomie française et que nous avons modestement montré l’exemple ». Bertrand Grébaut.